Conte de Noël

Trois petites souris, un sapin de Noël et un bonhomme pain d’épice attendaient tranquillement, chacun leur tour à la boutique de Mme Porlà, qu’un aimable client les remarque.

Mme Porlà, Francès de son prénom, est une artiste talentueuse. Elle excelle dans la poterie, le modelage et la sculpture en tout genre. Mais quelles pouvaient bien être la différence entre les créations de Mme Porlà et celles de la boutique d’à côté?

Francès avait appris la maîtrise de son art auprès d’un des plus grands maître de la terre d’émeraude, cette contrée aux grandes forêts de bambou. Mr Fu, c’est ainsi que tout le monde  le nomme, connaissait les plus vieilles et les plus secrètes traditions de son pays.  Après plusieurs jours de réflexion et de messages lu dans les astres, il accepta de  bien vouloir transmettre le don de le flamme de vie à Francès. 

Ainsi dans son atelier, à l’approche des fêtes de la Noël, synonymes de partage et d’acceptation pour Francès, elle se mit à la création d’objets bien particuliers. En effet c’est à cette période sacrée de l’année qu’elle utilisait son art le plus précieux, la transmission de la flamme de vie.

En ce solstice d’hiver 3 petites souris, un sapin de Noël et un bonhomme  pain d’épice seraient investis de cette mission.

Voici leur histoire…

La magie prend forme au sein d’un petit atelier des plus confortable, dans une douce atmosphère chauffée par un vieux poêle à bois. Au coeur d’un des recoins lambrissés, une méridienne en velours se trouve non loin du point de chauffe, pour les instants de repos nécessaire à Francès Porlà.

La première nuit du solstice Francès commença par s’atteler au modelage d’une petite souris aux petites moustaches et au petit sourire discret. S’en suivit une deuxième souris aux moustaches moyennes et au sourire élégant et pour finir une dernière aux grandes moustaches qui arborait un large sourire tout en tenant une meule de fromage en forme de coeur sous son bras. Les trois souris étaient toute blanche avec un petit noeud papillons rouge à pois argentés autour du cou. Francès, après avoir achevé son travail de création, alluma une bougie, elle observait le vacillement de la flamme jusqu’au moment choisit, pour ensuite fermer ses yeux et souffler au travers sans l’éteindre. Le souffle emporta avec lui les quelques mots que Mme Porlà prononçait à voix basse jusqu’à atteindre les oreilles de nos trois petites souris:

«  Petites souris blanches, bientôt vous ne serez plus mienne,

  Que la flamme qui brille vous anime joyeusement.

  Ainsi devenez les petites gardiennes,

  D’une enfant qui ne rêve plus depuis bien longtemps.

  A travers vos danses crépusculaires,

  Ravivez l’espoir de lendemains meilleurs.

  Et rendez son sourire si extraordinaire,

  A cet esprit autrefois vifs et plein d’ardeur. »

Comme l’exige la tradition, Francès passa la nuit auprès de sa création pour accueillir leur réveil. Ainsi, aux alentours d’une heure du matin, des bruits de chamailleries réveillèrent Francès qui s’était assoupi sur sa confortable couche de velours.

« Voyons, voyons, un peu de tenue mes petits amis »

Les trois souris stoppèrent leurs jeux et s’adressèrent à leur créatrice.

« Merci de nous avoir donné la vie ainsi que de nous avoir confié la plus belle des missions. A nous maintenant de prendre le relais de tes mains et de ton souffle de vie »

Francès posa délicatement les trois souris blanches sur son étagère du bas, celle à la hauteur des enfants.

Dans la journée quelques clients accompagnés de leur progéniture plus ou moins agitée pour certains, s’arrêteront devant l’étagère mais aucun ne fut assez attentif à ce qui se trouvait là. Ce n’est qu’une demi heure avant la fermeture qu’un couple et leur petite fille au regard vide franchit la porte de la boutique. Ils chinaient à la recherche d’un vase unique aux teintes bleus à offrir à la mère de madame qui en faisait la collection. Pendant que Francès détaillait sa technique de fabrication, comme les différents pigments de bleu utilisés, la petite se promenait sagement dans la boutique. En réalité elle semblait plus errer, perdue au milieu des créations classiques et originales voir loufoques de la propriétaire. Mais la petite étagère, non loin du comptoir de vente attira l’attention de la petite fille, elle s’en rapprocha et bloqua son regard sur les trois petites souris.

« C’est elle! c’est elle ! » chuchota la plus petite d’entre elles

« faisons bonne impression »

Mais par inadvertance ou excitation, la plus grande, celle aux grandes moustaches, fit tomber sa meule en forme de coeur. Heureusement elle put la récupérer aussitôt avant qu’elle ne roule au sol. La fillette se frotta les yeux, pensant avoir vu bouger un des petits sujets de terre cuite.

« La magie n’existe pas » dit elle tristement en regardant les passants pressant le pas derrière leur masque figé d’un quotidien routinier.

Elle reparti en direction de ses parents, mais au bout de deux secondes elle se retourna une dernière fois et jeta à nouveau un coup d’oeil sur les trois petites souris. Soudain ses yeux s’illuminèrent et elle alla tirer sur la manche du veston de son père.

« Papa, Maman, je pourrais avoir les trois petites souris comme cadeau de Noël » car bien sûr elle ne croyait plus au père Noël.

Sa mère se mit à pleurer à la demande de sa fille, cela faisait tellement longtemps qu’elle n’exprimait aucune envie et surtout, ses yeux… qui pétillaient…

Les parents acquiescèrent sans hésitation à la requête de leur petite fille. Francès tout sourire, emballa en premier le vase unique puis les trois petites souris. Elle les plaça une par une dans une petite boite en bois aux motifs floraux sculptés à la main, non sans les avoir méticuleusement enveloppé chacune à leur tour dans un tissus de velours rouge.

Elle remit le précieux paquet à la petite fille, lui demandant d’en prendre grande soin.

 « Je te confie mes amies à présent, mais je ne m’inquiète pas , elles seront entre de bonnes mains »

En rentrant chez elle, à peine arrivée dans sa chambre, la fillette déballa ses précieuses nouvelles amies et les posa délicatement sur sa table de nuit. Ce soir là elle raconta aux 3 petites souris son envie de voyager à travers le monde, et d’en découvrir les mystères les plus merveilleux avant de s’endormir d’un sommeil profond et réparateur.

Le lendemain matin à la table du petit déjeuner, la petite Carla ( Et oui, elle avait retrouvé son identité, sa raison d’être) raconta son rêve de la nuit où à dos de licorne elle survolait les montagnes et les océans en n’omettant aucun détails. Tout cela devant des parents bouche-bée par cet inattendu miracle de Noël.

 Le deuxième soir après le solstice, Francès s’attela à sa deuxième création toute aussi spéciale que la première. Elle se lança dans l’élaboration d’un petit sapin de noël en terre cuite d’un brun intense et unique, qui représentera la personnalité de ce dernier. Seul un trait de peinture blanche viendra le ceindre de sa douceur et une petite étoile, du même brun que le reste, rehaussera sa sculpture. 

Francès comme la nuit précédente, souffla à travers la flamme de vie en prononçant ces quelques mots        

 « Regarde autour de toi,   

  Regarde la beauté.     

  Regarde en toi,    

  Regarde ta beauté.» 

Puis elle s’endormit auprès de sa création, sur sa méridienne de velours accompagné cette fois-ci de son chat, en attendant le moment du réveil. 

Vers une heure du matin, des chuintements plaintifs puis des pleurs la sortirent de son sommeil. Le petit sapin versait des larmes de terre qui formèrent des petites boucles sur sa parure exempt de toute décoration. 

« Mais pourquoi m’as tu fait si triste, si moche, regarde moi, jamais personne ne pourra m’aimer » 

Francès restait étrangement silencieuse devant les plaintes incessantes de sa création qui n’arrêtait pas de se lamenter sur son sort. Mme Porlà le prit délicatement et chaleureusement dans ses mains, mais cela ne stoppait en rien la complainte du sapin qui ne remarqua même pas que sa créatrice venait de le poser sur l’étagère du haut, la plus accessible aux clients de grande taille et plus particulièrement les hommes. 

Elle s’était rendu compte que la gente masculine avait tendance à ne s’intéresser qu’aux objets qui se trouvaient en hauteur, du moins dans son échoppe. 

Ainsi Mme Porlà ouvrit sa boutique comme tout les matins, avec ce jour un petit sapin aux lamentations incessante en plus. Elle l’entendait de tout les recoins du magasin, le trouvant néanmoins quand même assez pénible par moment. 

Vers les 11 heures, un grand bonhomme franchit le pas de l’échoppe, il dû même se baisser pour passer la porte ce qui lui valut de se cogner à la clochette suspendue au dessus de celle-ci. 

Le gaillard grommelait, râlant sur sa stature et les boulots ingrats que son employeur lui octroyait. Il était étalagiste dans un des plus grands hypermarchés de la ville et remplir les étagères du bas relevait du supplice . Il passait la journée à maudire son supérieur, qu’il qualifia même de petit pervers, sans jamais adresser la parole ou ne serait-ce qu’un sourire à un client.

 De même il n’avait jamais exprimé à qui que ce soit le souhait de changer de poste ni entamé de démarches pour trouver un autre travail. 

Le jeune homme parcourait du regard la boutique de Francès cherchant un cadeau pour sa soeur, qui pour lui était bénie des dieux de part son succès dans la vie. Sa soeur s’occupait de ses deux enfants, la profession de directeur de l’entreprise familiale demandant beaucoup de temps et de dévouement à son époux. Elle rêvait d’une vie à la campagne loin du bruit et du stress, à s’épanouir au milieu de ses alpagas qui lui fourniraient la laine nécessaire à ses créations. 

Le jeune homme s’avança vers un cadre photo en mosaïque quand son regard fut attiré par ce petit sapin de Noël, seul, sur l’étagère du haut. 

« Mais tu es tout mignon ma parole » s’exclama t’il 

« Ta couleur brune s’accordera à merveille avec les santons en bois de ma crèche, tu es la pièce manquante que je cherche depuis si longtemps »

 Il prit le sapin, le regardant avec admiration, ce qui amena ce dernier à stopper sa ritournelle plaintive au plus grand bonheur de Francès. Etrangement le sapin s’aperçut à présent que son trait de neige mettait en valeur l’étoile, qu’il trouvait si terne, en formant un noeud papillon. 

Ses taches brunâtres lui apparurent maintenant telle une guirlande voluptueuse sur sa parure. 

Tandis que Francès emballait sa création, un couple franchit la porte, un homme d’un certain âge et aux multiples bagues brillantes accompagné d’une belle jeune femme s’avançait. 

"Bonjour coach vous me faite l’honneur de venir  avec votre petite dernière aujourd’hui » taquinait Francès. Le client eut un sourire de fierté, car il adorait son unique fille. Puis il se mit à détailler le grand jeune homme de la tête aux pieds et d’un voix grave s’exclama: 

« Dites mon gaillard, ça vous dirait pas de jouer au basket, avec votre carrure exceptionnel vous devriez être rapidement au niveau » tout en lui tendant sa carte de visite. 

Le jeune homme prit mécaniquement la carte, régla ses achats et au moment de s’en retourner la jeune fille lui rendit un clin d’oeil espiègle. Tout comme le sapin, il repartit sans aucun bruit  ni complainte qui envahissait perpétuellement son mental. 

Francès savait que la beauté n’était pas dans le regard de l’autre mais dans celui que l’on s’accorde à soi-même. L’autre ne voit que le reflet que nous voulons bien lui renvoyer.

Pour finir sa cuisson spéciale de l’année Francès s’attela au modelage d’un bougeoir spécial car il serait protégé par un bonhomme de pain d’épice au chapeau melon noir. La création fut simple et rapide et elle lui glissa ces paroles en accompagnant le souffle magique:

" Tu seras le gardien,

  Celui de la mémoire des vivants.

  Tu seras le gardien,

  Celui de la mémoire des dormants.

  Tu seras le gardien,

  Celui des âmes égarés.

  Tu seras le gardien,

  Celui de l’esprit du foyer. »

Comme les deux autres oeuvres, le bonhomme de pain d’épice la réveilla vers 3 heures du matin avec son rire joyeux et communicatif. Enfin presque, Francès s’était tellement assoupi qu’en réalité le premier à ouvrir un oeil fut son chat constamment sur le qui-vive, pas vraiment rassuré par ces objets qui prennent vie dans l’atelier. Il fit sursauter sa maîtresse en lui sautant sur le ventre. Le bonhomme de pain d’épice se moquait de « Nougat » le Cocker de Francès qui ronflait comme un ours enrhumé. Mme Porlà et le chat se mirent à rire avec lui ce qui ne plut pas du tout à « Nougat » qui partit finir sa nuit sur le banc de coin de la cuisine.

Le lendemain Francès posa sa poterie sur l’étagère centrale, à hauteur de la majorité de ses clients. Elle retourna à peine la pancarte « ouvert » qu’une femme pénétra dans son échoppe. Elle devait avoir une quarantaine d’année, le regard neutre mais l’expression quand même assez agréable. Elle offrit un doux bonjour à Francès qui lui répondit de son air enjoué « puis-je vous aider madame? »

« Pas pour l’instant, mais je reviendrai vers vous si besoin »

La femme qui portait un vieux Jean’s et une sorte de poncho noir-gris regardait attentivement tous les bougeoirs de la boutique. Elle avait dans sa main gauche un père Noël tiré par trois rennes supportant trois bougies entre leur bois et dans sa main droite le bonhomme de pain d‘épice.

Elle se rendit auprès de Francès qui rangeait ses bougies parfumées livrées à l’instant.

« J’hésite madame, je ne sais pas lequel prendre? »

« Pour quelle usage vous le faut-il? »

« Oh, j’aimerais allumer tous les ans à Noël une bougie à la mémoire de mon grand père décédé cette année, ainsi il nous illuminerait de sa présence »

Francès lui demanda  « Que dit votre coeur? Suivez votre intuition »

La femme regarda les deux objets à tour de rôle et posa le petit bonhomme de pain d’épice sur le comptoir de vente et remit l’autre à son emplacement initial.

« C’est un bon choix! » Commenta Francès. 

Elle lui expliqua que la bougie qui s’illuminera ici sera sous la bienveillance du bonhomme de pain d’épice. La flamme qui scintillera, incarnera l’âme du défunt et l’aidera, grâce au souriant bonhomme de pain d’épice, à s’élever au-dessus de ses pertes terrestres afin de guider les siens sur le chemin parfois tortueux de la vie.

La femme partit avec son bougeoir et une bougie senteur lavande offerte par Francès. Elle se disait que cette année sa famille serait réunie pour Noël, illuminée par la bienveillante présence des anciens.

Lorsque Mme Porlà ferma sa petite échoppe en ce 24 décembre, elle avait un sentiment de bien être, heureuse que ses étonnantes créations aient trouvé un foyer qui leur correspondent. 

Puis Francès se dépêcha d’enfiler une tenue confortable puis invita « Nougat » et  son chat à sauter sur la banquette arrière de sa voiture. Bien sur elle n’oublia pas de remplir sa hotte, ou plutôt le coffre de sa vieille 4L "Bye Bye"  de plein de cadeau tout aussi merveilleux .

Elle démarra les yeux pleins d’étoiles en direction de la petite maison au bord du lac pour y rejoindre sa charmante famille.

C’est ainsi que ce termine mon petit conte de Noël, je vous souhaite à tous une veillée pleine de joie et de partage avec ceux que vous aimez.

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