Les barons de la peur

Il était une fois la nuit d’Halloween. Cet étrange phénomène destiné à faire peur aux gens pour que surtout ils ne voient jamais les vrais démons qui courent dans les rues. Et pour une fois j’avais envie de vous effrayer pour de vrai en vous racontant l’histoire des barons De La Motte Aux Escargots.

Le dernier descendant de cette lignée était un noble personnage vivant aux crochets de sa mère. Une de ces vieilles baronnes des temps anciens où être aristocrate signifiait encore quelque chose. Elle avait construit un empire sur quasiment rien du tout, une motte aux escargots. Selon la légende familiale elle découvrit un élixir de jouvence en extrayant la bave de ces animaux immondes. D’ailleurs sur les photos représentant cette étrange dynastie personne ne savait reconnaitre la mère du fils, tellement ses membres  rajeunissaient d’années en années. Dans le village d’à côté, celui appartenant au baron De La Marche, on se posait le même genre de questions concernant cette aristocratie éternelle qui pourtant veillait sur eux.

La population constatait qu’aucun descendant n’avait vu le jour depuis des décennies. Depuis plusieurs générations il se disait que cette caste allait probablement s’éteindre avec le décès de leur deux derniers membres. Mais en attendant, les barons ne semblaient pas prêts de lâcher l’affaire, celle de la bave d’escargot de bien entendu.

Les jours tombaient de plus en plus vite en cette fin d’année. Même l’heure ne savait plus bien où se positionner pour parvenir à donner la bonne information aux montres de tout temps. Les gredins et les malandrins en profitèrent pour voler une vieille couronne dans le salon du baron De La marche d’à côté. Pauvre homme, lui qui la portait tous les Noëls pour asseoir son statut de souverain depuis des millénaires lui aussi, sans jamais avoir peur d’être mis à la retraite.

Il faut dire que les habitants de ce pays de la baronnie ne prêtaient guère attention aux affaires de notre belle aristocratie. Ils la laissaient se débrouiller avec ses problèmes, que ce soit la peur de vieillir ou encore celle de ne plus jamais retrouver une couronne pourtant promise à vie par son héritage patronymique. Cependant l’affaire prit un tournant beaucoup plus sérieux, car Halloween annonçait une nuit bien mystérieuse.

Certains craignaient affreusement qu’une flopée de petits bonhommes verts venus de l’espace viennent envahir les champs. En effet il était bien connu que cette fin octobre annonçait l’entrée dans la saison des enlèvements de toutes sortes. Et le crémier avait fort à faire avec une de ses vaches qui donnait à présent du lait vert.

Mais tout devenait encore plus étrange car le soleil d’hiver arrivait à grand pas pour la mi-novembre. Les feuilles disparaissaient de tous les arbres. Même les plus fiers spécimens tentaient de se donner une contenance au milieu des prés déserts de leurs sangliers, en recherche d’aventure dans la forêt voisine. Les chasseurs n’osaient même plus chasser la biche, car la baronne De La motte Aux Escargots leur avait interdit l’accès de ses terres. Elle menaçait le moindre contrevenant en lui promettant d’accrocher son trophée dans le dernier magazine sur la bienséance électorale à venir.

Mais que pouvait bien faire des élections dans cet affaire de vache, de sanglier et de chasse? En réalité un nouvelle échéance électorale s’annonçait au printemps. Il fallait élire le nouveau président de ce pays à l’aristocratie pourtant encore bien vivace. Et de toute manière un chef d’état devait maintenant faire cesser toutes ces histoires de peur qui circulaient dans les villages de la baronnie. Plus personne n’était épargné en se demandant pourquoi on ne pouvait jamais voir ces merveilleux escargots qui donnent tant de belles choses à leurs dirigeants. Mais comment un nouvel élu pouvait-il faire pour remédier aux problèmes du pays avec toute cette caste qui ne voulait jamais vieillir, ni donner sa couronne?

Il est quand même à constater que les électeurs ne se préoccupaient pas vraiment de cette situation. Ils pensaient que tout allait se régler de soi-même, pourvu que personne ne touche à leur argent durement gagnée à l’usine de la vie. Et pour la vache du crémier, bien il en rachètera sûrement une autre et le problème sera résolu. Ses collègues fromagers se disant qu’il avait sûrement dû la perdre en cherchant sa chèvre disparue dans la colline.

Mais que d’énigmes dans ce pays étrange, sans que personne ne cherche jamais à comprendre ce qui se passe réellement. Même le plus doué des économistes ne voulait plus voir la nature s’alourdir, car il en avait mare de servir de bouc pour rassasier la folie de tous ces aristocrates en manque d’idée pour ne pas quitter leurs châteaux de pierres. Ces vieux parpaings complètement élimés au point de laisser passer l’humidité et la chaleur d’une population qui n’aimait absolument plus être ainsi transformée en extra-terrestre, pour se faire jeter de partout de la sorte.

En effet la guilde des crémiers se mit en grève pour alerter sur les enlèvements des vaches par des petits bonhommes verts, qui parfois les ramenaient complètement transformée en bête immonde. Du coup elles ne donnaient plus rien d’autre que de la morve au petit déjeuner, un peu semblable à celle des escargots.

Tiens en voilà une bonne question que se posa le détective de la région. Il était pourtant plus habitué aux meurtres et aux vols d’objets précieux, comme cette belle couronne qui ne fut jamais retrouvée. Ces deux affaires lui semblaient étrangement liées. Et si les voleurs de vaches avaient décidé de s’en prendre aux escargots de la baronne pour en faire une potion magique, afin de rajeunir une partie de la population. Pourtant ce n’est pas grave de vouloir garder tout le monde beau et sans ride, c’est plutôt une bonne idée. Sauf qu’en rajeunissant les bébés ne venaient plus au monde. Il y eut à présent une vague de mortalité soudaine dans beaucoup de pays. Les jeunes qui ne devaient pas vieillir se mettaient à attraper rides et diverticules géantes et les vieux qui voulaient mourir se retrouvaient en train de diriger les affaires. La baronne et le baron De La Marche avaient trouvé un accord. Ils allaient s’unir pour battre le candidat des crémiers à l’élection prochaine. En effet la guilde des paysans s’était joint à leur mouvement en proposant un homme bien sous tout rapport pour les représenter.

Mais qu’en était-il des habitants de tous bords? 

Ils s’en foutaient comme d’habitude, n’en ayant rien à faire du crémier, de la baronne et du baron tant qu’ils avaient de quoi manger sur la table du diner le soir.

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